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130 fois plus forts

Vous n’allez plus aimer. Plus jamais. Vous n’allez plus rire, boire, chanter, danser. Vous n’allez plus pleurer, vibrer, fumer. Vous ne ferez plus l’amour. Vous ne vous disputerez plus. Vous n’embrasserez plus et plus jamais personne ne vous prendra dans ses bras.

Il n’y aura plus de matin chagrin et de soir éternel. Plus d’été, plus de saison.
Plus de courrier, plus d’angoisse, plus de coup de téléphone, tout ça c’est fini. La famille, les collègues, les copains, les passants… Vous n’aurez plus jamais de Noël à célébrer, d’anniversaires, de soirées improbables et désorganisées. Vous ne verrez plus de vidéos de chiens qui dansent de la salsa. C’est terminé pour vous le café chaud, Netflix, les films qu’on aime revoir mille fois, les refuges, le fromage fondu.
Vous ne sourirez plus, aux enfants, même pas aux vôtres. Plus de débat, plus de douleur, plus de peur. C’est fini. Vous n’êtes plus là. C’est fini. Vous êtes partis.

Et je pense à vous. Vous étiez des collègues, des copains voire des amis très proches de mes amis. Je ne vous connais pas et pourtant je vous connais si bien puisque vous êtes moi. Dans le 10ème, dans le 11ème, dans l’Est Parisien, de ce côté là de la rive. Vous avez mon âge, mes références. Vous êtes mes copains et moi en concert, vous êtes Sophie-Marie et moi en terrasse l’hiver, à boire du vin blanc sec et fumer des cigarettes trop longues.

Depuis vendredi soir je ne pense qu’à vous. Pas aux pauvres fous qui vous ont tout pris, pas à vos familles, pas à vos proches vivants… Mais à vous. Je fais la liste de tout ce que vous n’allez plus faire. Etirer vos jambes au réveil, frotter vos yeux de fatigue, manger avec le sourire aux lèvres, vous blottir dans les bras de ceux que vous aimez.

Vos affaires, dans vos « chez vous » n’ont pas bougé. C’est terminé. Vous ne rentrerez plus.

Je pense à vous et je me sens vivante. Que tout ça je peux le faire. Je ne sais pas si vous en aviez conscience de votre vivant, mais malheureusement grâce à vous je le sais.
Je vais vivre parce que j’ai de la chance. À l’heure où vous souffriez, je couchais mon petit garçon. C’était un « vendredi-moi-je-sors-pas » comme je l’ai dit à SML qui est allée diner rue de Charonne ce soir là.

Je peux encore aimer, rire, crier, boire, fumer, faire l’amour, râler, regarder des séries, faire des puzzles, manger des Frosties, chanter, prendre 8 cafés allongés avec des sucrettes en terrasse, faire des émissions sur le cul, l’amour, la vie, écrire des livres gentils, pour le plaisir de répandre la bonne parole, ne pas tomber dans le piège des cyniques, dire aux gens que je les aime, qu’ils sont beaux, les serrer dans mes bras, les embarrasser parfois, embrasser mon fils mille fois, le faire tourner dans les airs, continuer de lui faire découvrir la musique, et faire entrer le métal dans nos vies, chanter Casta Diva de Maria Callas et Heroes de Mariah Carey, danser comme si personne ne me regardait… AIMER AIMER AIMER.
Alors je vais vivre, parce que j’ai de la chance. Mais depuis vendredi, une partie de moi vit pour vous. Je vais vivre pour 130.

Virginie Firroloni

  • Aoud
    31 décembre 2015

    C’est un texte magnifique !

  • 27 mars 2016

    Je pleure. Merci pour ces mots qui touchent et invitent à la vie.

  • C. Mullson
    30 mars 2016

    Nous sommes le 30/03/2016 et je lis ces mots après en avoir lu tant d’autres depuis le 13/11/2015 … Il m’est arrivé maintes fois d’avoir des frissons, les yeux mouillés, d’avoir des moments de flottement après mes lectures. Cependant, je n’avais jamais … Jamais envisagé les choses sous cet angle. Et pour la première fois à la lecture de toutes ces lectures, j’ai envie de vivre … Vivre pour tous ceux qui ne le peuvent plus. Vivre également pour tous ceux dont les habitudes de vie ont du changer, pour tous ceux qui se battent encore pour que la vie et le rire soient les plus forts.

    Alors, merci, merci énormément pour la beauté de ce texte, la rage qu’il renferme et la volonté de vie qu’il exprime.

    C. Mullson

  • Marie Rama-Lalanne
    3 mai 2016

    On est le 3 mai 2016 mais ce texte est toujours aussi actuel. Merci pour avoir mis des larmes dans mes yeux, je ne suis pas triste, je suis vivante!

  • Bion
    13 novembre 2016

    j’ai honte en te lisant ! j’ai honte parce que tout au long de cette année j’ai oublié de vivre ! j’ai oublié que je pouvais faire tout ce que tu énumère. Je me suis contentée d’une vie étriqué qui ne me va pas ! et j’ai râlé ! je me suis plains ! j’ai dit souvent « bordel » souvent « putain » mais je n’ai rien fait ! je suis resté dans un confort tout relatif !
    J’ai honte et je me demande si, même en ressentant ça, ça va me booster pour vivre ! VIVRE pour de vrai à en perdre haleine sans ne plus flipper et du moins sans ne plus m’arrêter à la peur !

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