13 novembre 2018
C’était ce jour là. Je m’en souviens comme si c’était hier. Les vendredis 13 avaient, jusque là, une saveur toute douce et sucrée. Je les spottais sur le calendrier bien avant qu’ils n’arrivent. De magnifiques rencontres, de merveilleuses premières fois aux parfums d’amour et de légèreté. Mes vendredis 13, ils pétillaient aussi fort qu’un Monaco bien frais et m’avaient toujours pourrie gâtée. Pas un seul ne s’est passé depuis 1987 sans que quelque chose de formidable ne m’arrive. C’était mon petit secret, mon rendez-vous annuel à moi. Vous le gardez pour vous, hein ?
Cet après-midi là, ils ont entièrement évacué la gare de Lyon. Depuis la fenêtre de mon bureau, je me disais naïvement que c’était incroyable de voir le quartier si désert. Je trouvais ça fou d’avoir interdiction par les policiers de sortir de son immeuble « jusqu’à nouvel ordre, Mademoiselle ». Puis je me souviens être allée acheter cette mini jupe qui me faisait de l’oeil depuis longtemps avant de récupérer Camille à la crèche en vue de passer la soirée au Pause Café, rue de Charonne, comme à peu près tous les vendredis soirs que dieu fait. Sur le chemin du retour de la crèche, rue de Bercy, je me souviens regarder le ciel. Je ne le fais jamais, pourtant il m’a interpellée ce soir-là. Il était en feu. Vous vous souvenez ? « Tu as vu Camille ? » C’était complètement dingue. Je me souviens attendre Jo à la maison, l’embrasser pour lui dire au revoir. Je me souviens de son décollage à 21h, direction la Réunion. Je me souviens donner son bain à Camille, me décourager pour le Pause, il fait trop froid, annuler la baby-sitter et sauter dans l’eau, avec lui. Rire, très fort, aux éclats et mettre le bazar vu que papa n’est pas là. Je me souviens de notre dîner tous les deux, l’enrouler dans sa couverture en lui chantant « le Sud » de Nino Ferrer. Son pyjama sent l’adoucissant à plein nez et ses petits cheveux sont collés de purée. Je souris. Bonne nuit mon bébé doux.
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Puis, les sirènes. Partout, tout le temps. En continu. Une centaine d’appels en absence de mes parents, de ma soeur, de nos amis. Camille qui pleure, à moitié endormi : « Maman c’est le ciel en feu de tout à l’heure qui appelle les pimpons ? » Réseau saturé. Allumer la TV et cette cigarette de secours oubliée au fond d’un tiroir. S’effondrer. Le reste de la soirée, vous la connaissez.
Chers 130 vous, c’était il y a 3 ans. Pas un jour ne passe depuis sans que ma liberté n’ait un goût de vous. Quand je nage dans l’océan (pas trop loin, après y a des requins) sur nos belles plages ou à l’autre bout du monde, quand j’éclate de rire lorsqu’il imite le vigile de Monoprix que l’on adore, que je l’écoute à la terrasse du café me dire qu’elle est amoureuse ou que j’entends Camille annoncer qu’il a envie « péter les plantes » parce qu’il est en colère. Vous êtes là, bien au chaud, dans ce coin tout particulier et chaleureux que je vous ai réservé dans mon coeur. Je mesure la chance que j’ai d’être vivante, parce que j’étais au bon endroit, au bon moment. C’était peut-être ça, le cadeau de mon fameux vendredi 13 cette année-là. Celui de la vie.
Chers 130 vous, depuis que vous êtes partis, pas un jour ne passe sans que je ne contemple quelques secondes le ciel. C’est mon petit symbole à moi à présent. Et cette photo prise au réveil, peut-être, le plus sincère des hommages que je puisse vous offrir de là où je me trouve aujourd’hui, je crois.
Je découvre ton blog. Et ce post. Nous sommes loin de Paris. Mais ce jour là, ce soir là, nous étions au restaurant pour l’anniversaire de ma mère. Mes enfants, mes parents, mon amoureux. Puis les téléphones qui sonnent tous en même temps à réception de dizaines de notifications… Au retour à la maison je me souviens que nous sommes restés devant la télé très longtemps … Je m’en souviendrai toujours, le 13 novembre c’est l’anniversaire de ma mère. Tes mots sont beaux. Et la vie n’est jamais un hasard, je suis d’accord avec ça.
Le 13 novembre 2015, j’étais à Montréal. Avec le décalage horaire, c’est une info qui est arrivée comme une déferlante par une notification push de je ne sais plus quel quotidien. Une petite ligne sur l’écran du téléphone. Je suis restée pétrifiée à l’idée d’être si loin, puis il y a eu l’urgence de se réunir. Le soir, on était des dizaines devant le Consulat. Les Québécois étaient perplexes : que se passait il de si grave pour cette réunion impromptue ? C’était si difficile de leur expliquer. Les policiers ne savaient pas trop quoi faire. Il fallait contenir la réunion, mais respecter notre douleur. Tout ça, sur fond de pluie verglaçante.
Merci pour tes mots qui sont si justes.