Notre Dame
Je ne passe que très rarement devant toi mais il y a quelques jours on a pris le temps de flâner, on allait diner sur une péniche pour voir un spectacle et on eu envie de venir te saluer. On avait envie de te dire que t’étais quand même ultra impressionnante avec tes gargouilles, tes deux tours et toute cette merveilleuse symbolique que tu portes en toi. Celle de notre Histoire bien sûr, celle qui a donné vie à tant de fantasmes romanesques, parfois même un peu terrifiants je dois l’admettre mais aussi celle de tous nos souvenirs. Je repense encore aujourd’hui à mes visites lorsque, enfant, j’ai eu la chance de parcourir plusieurs fois avec papa tes escaliers immenses, si hauts, tellement hauts, presqu’à en toucher le soleil. J’avais mal aux jambes, je te trouvais embêtante. Papa me disait de tenir bon, qu’on avait tellement de chance d’être là, que je ne pourrais peut-être pas te revoir de si près une autre fois dans ma vie. Merci papa. Parce que j’ai presque pu toucher du doigts tes gargouilles ces jours-là, je dois avouer que j’en ai eu la chair de poule le soir venu, dans mon lit, à imaginer qu’elles prenaient vie au soleil couchant. Tu me faisais rêver. Je me souviens aussi de cet été où, étudiante, je confectionnais des petits bijoux dans cette petite boutique qui m’avait embauchée au coeur de ton quartier, presqu’à tes pieds, rue Lagrange. Je me rappelle passer devant toi chaque jour et sentir à mes côtés, malgré le froid matinal combiné au manque de sommeil, la délicate et rassurante présence d’un élément presque familier. Une dame. Une grande dame. Notre Dame. On partage tous un bout de notre histoire avec toi, que l’on vive 365 jours à tes côtés ou que l’on ait seulement eu la chance d’être près de toi juste le temps de quelques heures. T’as ce truc réconfortant, tu sais. Tu portes en toi un peu du coeur de chacun d’entre nous… alors forcément, dans ces flammes hier, un peu de poussières de nous s’en sont allées au gré du vent, aussi. On a beaucoup pleuré mais ça n’a pas suffi à éteindre les flammes. T’étais en colère, on dirait. Faudra que tu nous dises pourquoi, si tu veux bien.
Ce matin j’ouvre les yeux et je suis fière. Si fière de toi. Parce que t’es pas tombée ma belle, on dirait juste que tu t’es pas démaquillée hier soir et que t’as pris un sale coup dans la gueule. Ça nous arrive à tous. Mais t’es toujours putain de belle tu sais, ma dame. Et surtout, t’es toujours là.